BOFA GUS (1883-1968) DESSINATEUR

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BOFA GUS (1883-1968) DESSINATEUR
14 L.A.S., [1929-1944 et s.d., à Lucienne FAVRE] ; 37 pages in-4 (6 au crayon gras). Belle correspondance à la romancière Lucienne FAVRE (1894-1958), chantre des quartiers populaires de l'Alger d'avant-guerre. Nous ne pouvons en donner qu'un rapide aperçu. Dimanche 8 [septembre 1929 ?]. Prisonnier du métier, il reste pourtant un des plus libres : «Bien sûr j'ai du plaisir à terminer un album, à en voir un autre engraisser peu à peu, à sentir surtout que je peux encore aller plus loin - donc que je reste encore “jeune”. Mais ce plaisir-là contrebalance très mal le regret que j'ai de tout ce que je ne fais pas d'autre [...] Je vous envie d'aimer le travail, et de pouvoir en abattre régulièrement»... Il expose son idée d'un reportage rétrospectif ou d'un film pour le centenaire de la conquête de l'Algérie: déçu par le livre de Jean Mélia «sur le sort des indigènes algériens», il suggère un voyage dans le Hoggar... Samedi [1930 ?]. Il écrira sur son livre [Orientale 1930] dans le Crapouillot: «Il n'est pas du tout si éloigné que vous me l'aviez annoncé de la ligne des autres ! Il est marqué comme eux de ce goût d'acrobatie littéraire qu'on trouve dans tous vos ouvrages»... Ce livre lui a peut-être paru moins difficile que la Noce, «mais il ne me paraît pas moins étonnant: que vous ayiez pu, en faisant parler une femme du peuple, arabe, lui faire dire tout ce que vous vouliez dire, sur l'âme secrète musulmane»... Mardi soir et mercredi matin [vers 1935]. Il a été ému et fier qu'elle ait pensé à associer son nom à celui de Prosper, pour la postérité. «En vieillissant je prends une grande horreur des mots, même arrangés d'une façon ingénieuse et, d'une manière générale, de n'importe quel moyen d'expression autre que le regard»... Il raconte une anecdote sur des sourds-muets qu'il a aperçus dont la «volonté d'intelligence» l'a impressionné, et l'a fait penser à elle et à sa «femme sincère» : elle doit arriver à «un équilibre à peu près stable entre les cinq ou six Lucienne Favre principales»... Mauperthuis (Seine-et-Marne) jeudi [1944]. «Au milieu de tous les “never more” qui jalonnent toutes nos routes, votre Mourad et sa Kasbah éternelle m'ont apporté votre souvenir comme un bloc solide, où l'on peut se reposer»... Mardi soir. Il déplore les limites de la correspondance: «impossible d'arriver à tenir, par lettre, un vrai contact d'amitié. [...] Il faut que l'amitié s'arrange pour vivre de soi-même, sans aliment de faits précis et de nouvelles exactes qu'on ne peut lui fournir»... Il apprécie la curiosité dont elle fait preuve: «Je travaille depuis un mois après en avoir passé six à ne pas faire grand'chose - de plus en plus la réalisation d'une idée m'ennuie. Je n'ai probablement pas encore atteint l'âge, où on tient une “idée” pour une matière première précieuse, qu'on peut isoler des autres et buriner durant de longs jours. Aujourd'hui je la réalise un peu à la façon des bouchers qui réalisent un agneau de 3 mois [...]. Ça ne va pas sans remords. Ou bien c'est au contraire que je suis trop vieux pour accepter de gaspiller une idée trop jeune»... Mardi soir. «Vous m'avez l'air de faire une telle panne de dynamo ! Vous avez les réflexes sentimentaux trop sensibles pour faire du théâtre sans danger. [...] L'homme-de-théâtre se dresse comme un cheval de cirque: à coups de trique, caveçon et pétard dans les jambes. Quand il est totalement abruti, il galope gracieusement autour de la piste, avec l'air plus fougueux que nature, et tous les afficionados des générales suivent ses petits tours avec tendresse et admiration. C'est assez écœurant»... Elle est tombée pour ses débuts sur une brute qui s'est trompée sur sa pièce: «il y a vu un bordel, là où il y avait une idée - grâce à quoi il a monté votre pièce, où le public a retrouvé l'idée et oublié le bordel»... Il conseille de laisser dormir Sauveur six mois, pour y voir clair... Vendredi soir. Il fait des vœux qu'elle puisse travailler au calme, «loin des arènes littéraires où se disputent de singuliers lauriers. J'ai rencontré hier Madame Rostand, un de vos juges et lui ai parlé de votre livre, en m'étonnant qu'il n'ait pas été couronné. Elle m'a objecté votre figure, votre âge, votre naturelle élégance, et que vous ne portiez point de lunettes. Je pense bien qu'elle y mettait quelque paradoxe, mais les causes profondes sont toujours paradoxales !»... Dimanche. «Malgré Freud et ses prophètes, je n'avais jamais pu tirer rien de valable d'un rêve»... Mardi soir. Il a reçu son «manuscrit des perles et des badauds», qu'il va lire... Jeudi matin. «Je suis bien content de savoir que votre manuscrit est entre les mains de Baty et des Pitoëff, qui sont gens de métier et vous donneront un avis valable, en attendant celui du public, le seul qui compte»... Etc.
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