PIETTE Ludovic (1826-1878).

Lot 197
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PIETTE Ludovic (1826-1878).
5 L.A.S. «Piette», s.d., à Camille PISSARRO (une à Madame); 16 pages et quart in-8 (quelques salissures et légers défauts). Intéressante correspondance de l'aquarelliste à Pissarro, son ami intime et compagnon de travail. 4 juin. «Vous oubliez le campagnard vous plongé dans la lutte ardente. J'aurais été heureux de savoir si vous aviez eu du succès au Salon - parmi les artistes - je n'entends parler de rien»... Seul Fillonneau (Ernest) lui envoie deux fois par semaine ses Salons, «tissu de contradictions bouf­fonnes»; l'auteur tourne suivant le vent comme une girouette. «Ainsi cette année il vante beaucoup les paysagistes qui font leur tableau sur place [...] et bien ! voilà qu'il loue Hanoteau et autres qui se contentent de broder leur tableau point à point comme on fait des pantouffles sur un canevas»... Il ne sait pas si son envoi au Salon a été accepté: «Du reste reçu ou refusé mon sort est le même, peu intéressant. Je me contente maintenant de salir de petits morceaux de papier. Cela donne moins de mal, de main-d'oeuvre et de travail matériel: et cela est moins ruineux. J'en pince malgré cela toujours un peu»... [Automne]. Il n'oublie pas que Pissarro lui a offert la moitié de son logement de la campagne, mais il ne pouvait accepter et n'a pu aller le voir. «J'en ai été puni car vous ne m'avez donné de nouvelles ni de vous ni de votre famille. Écrivez-moi donc [...] si vous avez fait cette année votre chef-d'oeuvre ! [...] Pour moi je suis exténué. J'ai travaillé comme jamais. J'en ai même eu les yeux fort fatigués»... Il évoque avec lyrisme les paysages automnaux. «Quand pourrons-nous faire ensemble une bonne campagne ! Sera-ce l'année prochaine - ou cet hyver - pour faire des effets de neige !»... [Hiver-début du printemps]. «J'ai fait quelques études cet hyver par les grands froids quand les rivières étaient gelées. Je supportais cela facilement, mais ce temps-là vous cloue à la maison: il vous force les os et vous glace la moelle. [...] J'ai envoyé au hazard 2 aquarelles et j'y ai ajouté deux petites études sur nature: une de cet été et une autre que j'ai reprise, que vous connaissez un bois avec soleil au milieu: le fond noir: enfants et rochers sur le devant»... Il n'a rien vendu au Havre, et a manqué sa vente à Bordeaux. «Je commence à ne plus faire de peinture que pour m'amuser, n'ayant su en faire sérieusement»... [Printemps ?]. Sa vie est monotone: «un sauvage comme moi doit vous envoyer des lettres ébouriffantes de nihilisme. Je dois être en retard d'un siècle car je ne marche pas à moins que ce ne soit comme dame écrevisse à recu­lons. Donc mon pauvre Pissarro vous me demandez si je travaille: oui. Beaucoup ? - Oui. Avec succès ? Hélas ! Si mon exposition est prête ?... Je n'ai rien que des aquarelles ou dessins [...] je n'ai plus le courage de faire de grandes croûtes: non seulement elles me ruinent en cadres et en port sans compter les tracasseries des emballages: mais quand cela revient il faut en couvrir mes cabanes de lapin, toiture solide mais bien coûteuse»... Il souhaite qu'il en soit autrement pour Pissarro: «vous êtes content de ce que vous avez fait c'est d'un bon augure. Mais je vois que vos idées se sont modifiées et que vous n'espérez plus faire un grand tableau d'une seule coulée comme un fondeur de cloches: je n'ai jamais bien compris que cela fût possible quoique je sois bien de votre avis que l'on ne peut plus subir la même impression ou la faire subir au spectateur en poursuivant son travail une infinité de séances où la nature change ses aspects cent fois sans en avoir l'air. Comment donc a fait COURBET devant l'enterrement d'Ornans: même s'il avait pu voir son tableau sur place, congeler tous ces bonshommes comme la fameuse fée du Palais du bois dormant, pensez-vous qu'il eût pu faire son tableau en revenant un an s'installer à même heure en face de ces bonshommes, et indépendamment de l'impossibilité matérielle, n'aurait-il pas trouvé à toute heure un jour différent une impression différente suivant même sa digestion de chaque jour ? Il faut donc avoir une puissance d'intuition formidable pour fixer son impression irrévocable et marcher d'après elle: en faisant mes petits bouts de papier, je n'ai point à me briser la tête. Autant en emporte le vent»... [Paris]. «Nous sommes allés Me Piette et moi ce matin à l'arrivée du train par lequel Pissarro avait promis de venir: point de Pissarro. Je ne sais si je pourrai le voir. Je vais aller ce matin voir si je le découvre»... On joint la copie d'une lettre de Pissarro à Mme Piette.
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