CIORAN Emil M. (1911-1995).

Lot 36
Aller au lot
Estimation :
10000 - 12000 EUR
CIORAN Emil M. (1911-1995).
MANUSCRIT autographe pour Écartèlement ; 4 cahiers à spirale in-4 (27 x 21 cm) de 43, 45, 51 et 88 feuillets, numérotés II (couverture jaune), III et IV (couv. vertes), et V (couv. bleue, Joseph Gibert). Intéressants cahiers de travail pour Écartèlement (Gallimard, 1979). Écrits au stylo-bille bleu, parfois rouge, mais aussi quelquefois vert ou au feutre bleu, au recto des feuillets, avec quelques additions ou corrections sur les pages blanches en regard, ces cahiers sont abondamment raturés et corrigés. Ce manuscrit de travail, qui paraît même parfois de premier jet, est un premier état de ce qui deviendra, après élaboration et reclassement, Écartèlement. On trouve là, dans un ordre qui n'est pas encore celui du livre, quantité de pensées et d'aphorismes qu'on retrouvera dans les quatre sections des Ébauches de vertige, dans une version primitive, souvent surchargée de corrections. Sur la couverture du cahier II, divers titres ont été rayés : Les deux vérités / Les deux vérités / La fin de l'histoire / Le lecteur de mémoires ; puis Cioran a noté : Fluctuations II. Ce sont à peu près les titres des trois premiers chapitres d'Écartèlement : Les deux vérités ; L'amateur de mémoires ; Après l'histoire. Le cahier V porte sur la couverture cette note : « le précédent septembre 1977 [Juin 1978 biffé] ». Certaines pensées sont abondamment raturées et corrigées ; d'autres sont biffées ; d'autres sont marquées en marge par des croix, des points d'interrogation. Beaucoup seront très modifiées pour Écartèlement, et figurent ici dans une première version différente de celle du livre. Ainsi dans le cahier II, cette entrée : « Dans ce port normand, on vient d'attraper un gros poisson qui s'appellerait “Poisson de lune”, et qui aurait été entraîné par un courant chaud, car il ne vit pas dans ces régions. Étendu sur la jetée, il se secoue et se tord, puis se calme et ne bouge plus. Visiblement, il a abandonné le combat. Plus de “drame”. Comme on meurt bien si on a la chance de n'être pas homme ! » ; dans Écartèlement (Ébauches de vertige, IV), les trois dernières phrases seront remplacées par celle-ci : « Une agonie sans affres, une agonie modèle ». Citons, comme exemple du travail de correction de Cioran, cette entrée du cahier V, qu'on retrouvera avec des variantes dans la section III des Ébauches de vertige, mais qui est déjà ici surchargée de corrections aux stylos rouge et vert (les mots entre crochets ont été biffés ou correspondant à la première rédaction) : « À la frontière espagnole, [nous étions] quelques centaines de touristes, la plupart [scandinaves nordiques] scandinaves, [qui] attend[ions]ent devant la douane. On apporte un télégramme à une dame forte, visiblement ibérique. Elle l'ouvre et aussitôt se met à pousser des hurlements [dignes de sa constitution complexion. C'était sa mère qui venait de mourir, et nous venions d'assister à une de ces explosions] et à appeler sa mère dont elle venait d'apprendre le décès. [Elle a de la chance] Quelle aubaine pour elle, me disais-je, de pouvoir se décharger [immédiatement] aussitôt de son chagrin, au lieu de le dissimuler, [de l'étouffer,] de le stocker comme aurait fait n'importe lequel de ces blondasses qui la regard[aient]ent ahuris et qui, [par excès] victimes de leur discrétion et [par superstition de la] de leur tenue, [et de leur anémie,] [aboutissent traînent des névroses à longueur se ruinent chez le psychanalyste] [finiront par se ruiner chez le psychanalyste] [sombreront un jour dans la névrose] se ruineront un jour chez le psychanalyste ». D'autres pensées passeront dans Aveux et anathèmes (1987), comme celle qui ouvre le cahier III : « Un jeune Allemand, sur les bords de la Seine, me demande un franc. J'entre en conversation avec lui, et il m'apprend qu'il a couru le monde, qu'il est allé aux Indes dont il aime les vagabonds auxquels il pense ressembler. Cependant on n'appartient pas impunément à une nation... sérieuse. Je le regardai quémander ; il avait l'air de sortir d'une école de clochards. [La suite est biffée : Les Occidentaux, en général, quand ils se mettent à imiter l'Orient, ne font en réalité que déchoir : ils n'accèdent à un simulacre de sagesse qu'en s'encanaillant.] » D'autres semblent être restées inédites. Dans le cahier V, on trouve à deux reprises l'apostrophe : « Clio, je te hais ! », suivie sur un feuillet volant de cette note : « Clio, cette imbécile », qui deviendra dans le livre : « Abominable Clio ! ». Dans ce même cahier, Cioran a inséré, outre le feuillet ci-dessus cité, deux feuillets d'aphorismes dactylographiés, avec des corrections autographes ; et, en fin de cahier, deux feuillets autographes paginés a et b.
Mes ordres d'achat
Informations sur la vente
Conditions de vente
Retourner au catalogue