SAND George (1804-1876).

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SAND George (1804-1876).
L.A.S. « G. Sand », [Nohant] 27 juillet [1855], à Eugène DELACROIX ; 5 pages in-8 à son chiffre, à l'encre bleue. Très belle lettre à Delacroix sur la peinture et sur l'Italie. Delacroix vient de lire dans La Presse le chapitre d'Histoire de ma vie qui lui est consacré, mais qui était tronqué : « Je vous enverrai donc tout l'ouvrage quand il sera complet. Je trouve qu'on ne peut pas lire autrement et que ne pouvoir pas se dire devant un livre, je le lirai à mon jour et à mon heure, est une manière inventée par ceux qui n'aiment pas la lecture. Mon ouvrage n'est pas du genre de ceux qui peuvent plaire en feuilletons, si tant est que quelque chose puisse être lisible dépecé ainsi. Je vous remercie donc beaucoup de ne pas l'avoir lu de cette manière. Plus tard, vous me direz votre avis sur l'ensemble, rien ne presse. Travaillez, c'est vous qui avez un monument à continuer pour l'écrasement de tous ces pygmées ». Elle a été en Italie au printemps dernier : « J'ai revu à Gênes, et à Florence les vieux maîtres, j'ai vu Rome que je ne connaissais pas et tous les RAPHAËL que je n'avais jamais vus. En fait de Raphaël il y en a de beaux parmi une foule d'apocryphes. J'entends par apocryphes les fresques dont il n'a fourni que les cartons et que ses élèves ont peinturlurés en rouge brique, en jaune serin et en bleu de prusse. Ce sont justement ceux-là devant lesquels les Ingristes se pâment, des Galatées que je ne voudrais pas avoir en dessus de portes, et des saints de tout calibre qui ont l'air d'être faits par des enfants de dix ans, bêtes. Les Loges se voient avec les yeux de la foi, tout tombe en loques, les Stanze sont tellement noires qu'on y voit tout ce qu'on veut. C'est dans quelques galeries que l'on distingue enfin quelques personnages de Raphaël qui vraiment ne laissent rien à désirer. Mais hors de là son œuvre est une grande blague, et lui-même est pas mal poseur. Voilà mon impression, je vous la donne pour ce qu'elle vaut. En fait de MICHEL-ANGE c'est une autre paire de manches. Toute abîmée, trouée, cachée, enfumée qu'elle est, la Chapelle Sixtine, les plafonds surtout, vous laissent une stupeur, une terreur, un enthousiasme qui vous font en pitié regarder tout le reste, les Ghirlandajo, les Albane, les Salvator [Rosa] et tutti quanti, - mais non pas M. Titien et autres Vénitiens que l'on retrouve à Florence, ni les Rubens et les Van Dyck que l'on retrouve à Gênes. Mais s'il faut vous le dire, Michel-Ange comme statuaire écrase tous les antiques, et comme peintre égale tous les modernes. Sa couleur est superbe à Rome. Ah ! comme j'ai pensé à vous, à vos belles pages, les seules dignes de lui ! Et quand j'ai vu le Moïse, la Pieta, les tombeaux des Médicis, le Christ aux bras de la Vierge, l'Adonis et deux ou trois autres groupes de sa jeunesse que l'on vante moins et qui malgré quelques défauts peut-être, sont aussi empreints de son génie que le reste, comme je me suis rappelé notre longue station au palais des Beaux-Arts devant tous ces modelages en plâtre, que vous m'appreniez à voir et que notre pauvre bon CHOPIN ne voulait pas voir. Vous en souvenez-vous ? Vous souvenez- vous aussi d'un bas-relief de Luca Della Robbia représentant des petits chanteurs ? J'ai retrouvé cela à Florence dans un coin et je me suis vue avec vous remuant ce plâtre à peine déballé et découvrant avec vous que c'était un chef-d'œuvre de naïveté. Tout cela est plus beau en marbre, c'est plus fin, plus évidé, plus transparent, surtout ces vieux marbres polis et jaunis. Le Moïse a l'air d'être vivant, on le voit respirer, et comme il n'a rien d'un simple mortel, on est prêt à se sauver devant une pareille apparition. Eh ! bien, je suis revenue de tous ces chefs-d'œuvre, un peu dérouillée de mon long somme à Nohant, et en arrivant à Paris vers le 15 mai, j'ai couru à l'exposition, comptant un peu plus qu'auparavant sur ma raison et sur mon sentiment. J'ai revu toute votre œuvre, je n'ai guère regardé autre chose, et je suis sortie de là vous mettant toujours, sans hésitation et sans crainte d'aucune partialité, à côté des plus grands dans l'histoire de la peinture et au-dessus, mais à deux cent mille pieds au-dessus de tous les vivants »... Correspondance, t. XIII, p. 266.
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