SARTRE Jean-Paul (1905-1980).

Lot 222
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Estimation :
12000 - 15000 EUR
SARTRE Jean-Paul (1905-1980).
MANUSCRIT autographe, Le séquestré de Venise, [vers 1961] ; titre et 963 (mal chiffrés 1-964) in-4 (27 x 21 cm ; bords effrangés et petites déchirures à quelques feuillets). Important manuscrit autographe sur le Tintoret. Ce manuscrit correspond à la seconde version de l'ouvrage que Sartre voulait consacrer au peintre vénitien, et resté inachevé. Il en a publié un premier chapitre, sous le titre Le Séquestré de Venise, en novembre 1957 dans Les Temps modernes, présenté comme un « fragment d'une étude sur le Tintoret, à paraître chez Gallimard », recueilli en 1964 dans Situations, IV (nouvelle édition en 2018 dans Situations, V) ; puis un autre fragment, Saint Georges et le dragon, dans L'Arc en 1966, recueilli en 1972 dans Situations, IX. D'autres fragments paraîtront posthumément, notamment par les soins de Michel Sicard, dont Saint Marc et son double du présent manuscrit, dans la revue Obliques en 1981. Après la première version de 1957, Sartre entreprit une seconde version de son texte sur Tintoret, à Antibes en 1961, selon Simone de Beauvoir : « Sartre se réfugiait dans le travail, avec tant de frénésie qu'il ne le contrôlait plus : il écrivait une seconde version de son Tintoret sans avoir pris le temps de relire la première ». C'est à cette version de 1961 que correspond le présent manuscrit, rédigé à l'encre noire ou bleu noir au recto de feuillets de papier ligné ou quadrillé. Il a été paginé à l'encre verte par Simone de Beauvoir, avec des erreurs (les ff. 767- 768 et 946 n'existent pas, sans manque de texte ; et il y a deux ff. bis : 754 et 848). Les feuillets sont inégalement remplis, parfois réduits à quelques lignes ; sous le texte qu'il considère comme satisfaisant, Sartre tire un long trait horizontal et raye le texte ébauché qui suit, puis passe à une autre page. On peut suivre ici de près le processus d'élaboration de la réflexion et de l'écriture. Après le Tintoret existentiel et politique de 1957, Sartre étudie ici davantage sa peinture. Après le titre Le Séquestré de Venise inscrit au centre du feuillet liminaire, les quatre premiers feuillets présentent un texte fragmentaire, resté inédit : « Quand il nous présente ses doges, ses dignitaires, le Tintoret nous ennuie. Il faut dire à sa décharge que ces patriciens ne s'amusaient guère et que personne ne les trouvait amusants. Mais nous avons nos idées faites : il faut que l'artiste nous divertisse avec l'ennui des autres ; peindre [un portrait, c'est démasquer le modèle. Nous n'ignorons pas que la République Sérénissime] // vieille chair, l'ambiguité d'un sourire trop serré, une insaisissable amertume, de lancer quelquefois une œillade à la postérité, [en un mot, de songer] // Quant à l'humour, il en est parfaitement dépourvu. Il a peint son doge avec un certain degré de conscience professionnelle qu'on a fixé d'avance en débattant du prix : voici [le bonnet, le manteau poupre la rangeé d'hermine)». .../... Le f. 5 est intitulé Introduction : « On ira de la substance et de sa texture, de son grain (couleur) à son essence (pesanteur) celle-ci nous montrera la dissolution des actes en gestes. Elle se dissoudra à son tour dans le temps objectif et nous passerons de l'instantané des hommes (gestes) aux durées complexes des choses (absorption du temps pratique par l'objet) lesquelles durées nous entraînent jusqu'aux force infinies de l'espace. Donc grain ? Pesanteur ? geste ? arrêt du mvt humain par le temps ? éclosion des durées spatiales ? espace, c'est-à-dire extériorité. Les forces sont extérieures à l'homme. Expansion de la pesanteur. Un homme dans un champ de gravitation. L'espace comme pure tension d'extériorité engendre du coup la matière et la reprend la dissout en lumière. Dernier pas : lumière. » Sur les ff. 6 et 7, Sartre a tracé un plan d'ensemble de son ouvrage, où il « met en place les différents tableaux qu'il compte étudier : d'abord le Saint Marc délivrant un esclave, puis le Saint Georges terrassant le dragon (et sa comparaison avec l'œuvre de Carpaccio), puis la Crucifixion. À ce parcours correspondent des thèmes : le miracle, la pesanteur, le geste, le temps, l'espace (extériorité), la lumière » (M. Sicard). Vient alors le texte intitulé Saint Marc et don double, avec le sous-titre « I. La précaution inutile ». Le début montre le ton très personnel de Sartre dans cet écrit sur l'art : « Sujet imposé : les mécréants projettent de torturer un esclave chrétien, le Ciel s'émeut. Saint Marc pique une tête dans l'éther, coule à pic, et va briser, à cent mille brasses des étoiles, les instruments dans les mains des bourreaux ; montrer la stupéfaction des témoins. Le nu sera masculin, la foule enturbannée, le Saint ad libitum ; nombre des personnages : entre vingt cinq et trente, dimensions requises : un mètre soixante trois sur deux mètres quinze. Le Tintoret entre en loge, se met au travail, suit à la lettre ces prescriptions, produit un monstre scandaleux »... Bibliographie : Michel Sicard, «
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