ROUAULT GEORGES (1871-1958).

Lot 22
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ROUAULT GEORGES (1871-1958).
Environ 290 L.A.S. « Rouault » ou « GR », 1936-1958, à Claude ROULET à Neuchâtel ; environ 930 pages, formats divers (surtout in-4), enveloppes. Très importante correspondance artistique inédite, ou vingt ans d’amitié par lettres, à un confident privilégié. Correspondance capitale pour suivre la vie et l’œuvre de Rouault dans ses dernières années. L’écrivain neuchâtelois Claude ROULET, proche des éditions Ides et Calendes et de la Bibliothèque des Arts, et rédacteur de la revue Belles-Lettres, préfaça en 1944 les Soliloques de Rouault, et publia en 1961 ses Souvenirs. Nous ne pouvons donner ici qu’un très bref aperçu de ces nombreuses lettres, souvent très longues, soit près d’un millier de pages. Les enveloppes contiennent aussi des lettres que Rouault destine à ses enfants et qu’il charge Roulet, en période de guerre, de recopier et de leur transmettre. Rouault rature, corrige, ajoute des développements dans les marges, mélange les encres de couleurs différentes, efface des lignes en les couvrant d’un lavis d’encre, ce qui leur donne un caractère pictural. L’écriture angulaire est parfois tremblante avec l’âge. Rouault réalise que la lecture de ses lettres est difficile : « Honteux de vous adresser telles horreurs à la lecture, on voit que j’étais à bout tout à fait en arrivant. À la poubelle ! » ; ou : « La correction n’est pas mon fort, loin de là. J’en conviens, je ne suis pas fait pour faire des lettres officielles », écrit-il en marge d’une missive particulièrement raturée. En tête d’une autre où la calligraphie frappe par sa régularité inhabituelle : « Voici une lettre comme on en faisait autrefois pour la fête des parents ou des grands-parents, grands-mamans, il n’y manque que le bouquet de fleurs en reliefs en couleurs, vous ne direz pas que je ne puis pas écrire correctement ». Son écriture, souvent spectaculaire graphiquement, recouvre le moindre espace de la page. Rouault s’applique aussi à certains effets de mise en page, comme la disposition de son texte en croix, pour quelques lettres qu’il appelle des « cadeaux épistolaires » (XI.1940). Une page est entièrement calligraphiée au pinceau à l’encre de chine (28.XI.40). Certaines lettres sont très longues, comportent des pages de papier différent, parfois sur du papier de récupération (« Excusez ce méchant papier »…). Il ajoute fréquemment des apostilles à ses lettres, sous des intitulés variés (« Dernière heure », « Avant dernière heure »). Certaines lettres sont accompagnées de poèmes. Rouault évoque ses expositions, sa condition d’artiste maudit, la réception de son œuvre, etc. Il s’étend sur ce qu’il appelle « le plus grand drame de ma vie » : la mort d’Ambroise VOLLARD et la mise sous scellés de ses œuvres. « Il y a cependant 350 toiles vierges dont 10 esquisses signées qui sont à moi que L.V. [Lucien Vollard, frère d’Ambroise] m’avait offert de me rendre »… Il confie à Roulet la tâche de les récupérer et de les lui apporter chez lui : « si L.V. venait à disparaître, on croirait que je dois les repeindre, misère de misère ce serait le bouquet » (31 août 1939, un mois après la mort de Vollard). Il donne le détail des œuvres qui se trouvent dans tel ou tel atelier. Il ne cesse de se lamenter : « Quelle fin d’existence, dérisoire et stupide au moment où j’avais besoin d’effort complet et rapide, mais j’ai passé ma vie à être ainsi en roulis et tangages, et je résiste maintenant au mal de mer » (10.IX.1939). Il relate par le menu les transactions avec Lucien Vollard, la sélection par les experts de ses œuvres, qu’il vit comme un déchirement. « Je reste de longues heures à lire, à deux ou trois reprises par nuit. En vérité, je suis en fureur contre ces bougres qui font semblant d’aimer l’art et les artistes, et qui les font crever de désespoir – cinq mois perdus à près de soixante dix ans, c’est un gros préjudice ». Cette tragédie personnelle se greffe à une tragédie plus large, la seconde guerre mondiale :« je crains de ne plus avoir les forces physiques »... L’exode le mène jusqu’à Grasse…Etc. Nous ne citerons ici que quelques extraits d’une longue lettre de 12 pages où, en 1939, il se livre à son jeune ami : « mes contemporains m’ont considéré pendant ma vie entière à quelques exceptions près comme vieille croûte de pain oublié derrière une malle […] ceci m’a rendu service, en me laissant travailler en paix, sans souci de plaire ou de déplaire, ce qui est assez dans ma directive intérieure »… Il dit son admiration pour Manet et Cézanne…. « En ces temps d’art dégénéré comme parle M. Hitler quitte à être excommunié dudit prophète il m’est doux quand je l’entends au micro de revoir en imaginaire appétence l’embarquement pour Cythère le petit bonheur du jour en satin bleu de Chardin la recommandation maternelle de Corot ou Courbet en son meilleur […] Suis-je donc cet homme des ténèbres – qu’ils ont dit. Nenni l’ai-je jamais été oui ? Certainement mais pour me délivrer car l’art est délivrance. […] Pour faire un art épique faut-il encore
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