FLAUBERT Gustave (1821-1880).

Lot 95
Aller au lot
Estimation :
2000 - 2500 EUR
Résultats avec frais
Résultat : 2 108EUR
FLAUBERT Gustave (1821-1880).
L.A.S. « Gve Flaubert », Samedi [fin mars-début avril 1857], à Maurice SCHLESINGER ; 4 pages in-8 sur papier bleu. Belle lettre au futur modèle de Jacques Arnoux dans L’Éducation sentimentale, sur ses œuvres, et tonnant contre la bêtise. [L’éditeur musical Maurice SCHLESINGER (1798-1871) a épousé Élisa Foucault, le premier amour de jeunesse de Flaubert ; il sera un des modèles de Jacques Arnoux dans L’Éducation sentimentale. Flaubert évoque ici Madame Bovary, qui va bientôt paraître en librairie, La Tentation de Saint Antoine, et son travail de documentation pour Salammbô.] « Ne croyez pas que je vous oublie, mon cher Maurice. Voilà un grand mois et plus que je remets chaque jour à vous écrire. Mais je suis réellement (passez-moi le ridicule de l’aveu) un homme fort occupé. Voilà la première année depuis que j’existe que je mène une vie matériellement active, et j’en suis harassé. – Jamais je ne vous oublierai. […] Je suis de la nature des dromadaires, que l’on ne peut faire marcher quand ils sont au repos et que l’on ne peut arrêter quand ils sont en marche. Mais mon cœur est comme leur dos bossu : il supporte de lourdes charges aisément et ne plie jamais. […] Mais, mon cher ami, voici ma situation présente : 1° J’ai un volume [Madame Bovary] qui va paraître dans 15 jours […] il faut que je surveille la publication du susdit bouquin. 2° J’en avais un autre tout prêt à paraître mais la rigueur des temps me force à en ajourner indéfiniment la publication. 3°Or pour soutenir mon début (dont l’éclat, comme on dit en style de réclame, a dépassé mes espérances), il faut que je me hâte d’en faire un autre – et se hâter c’est pour moi, en littérature se tuer. Je suis donc occupé en ce moment à prendre des notes pour une étude antique [Salammbô] que j’écrirai cet été – fort lentement. Or, comme je veux m’y mettre à la fin du mois prochain, et qu’à Rouen il m’est impossible de me procurer les livres qu’il me faut, – je lis & j’annote aux Bibliothèques du matin au soir – et chez moi, dans la nuit, fort tard. Voilà, mon bon, ma situation. Je suis fort malheureux, car je me lève tous les jours à huit heures du matin – ce qui est un supplice pr votre serviteur. […] Comme j’ai été embêté cet hiver ! mon procès ! – mes querelles avec la Revue de Paris ! et les conseils ! et les amis ! et les politesses ! – On commence même à me démolir et j’ai présentement sur ma table un bel éreintement de mon roman, publié par un Monsieur dont j’ignorais complètement l’existence [Edmond Duranty]. Vous ne vous imaginez pas les infamies qui règnent et ce qu’est maintenant la petite presse ! Tout cela du reste est fort légitime. Car le public se trouve à la hauteur de toutes les canailleries dont on le régale. Mais ce qui m’attriste profondément, c’est la bêtise générale. L’Océan n’est pas plus profond ni plus large. – Il faut avoir une fière santé morale, je vous assure, pour vivre à Paris, maintenant. – Qu’importe, après tout ! Il faut fermer sa porte & ses fenêtres – se ratatiner sur soi, comme un hérisson, allumer dans sa cheminée un large feu, puisqu’il fait froid, évoquer dans son cœur une grande idée (souvenir ou rêve) et remercier Dieu quand elle arrive. Jamais je ne passe devant la rue de Grammont ni dans la rue Richelieu sans songer à vous. Comme je regrette que vous ne soyez plus là. Vous êtes lié fatalement aux meilleurs souvenirs de ma jeunesse. Savezvous que voilà plus de vingt ans que nous nous connaissons ? tout cela me plonge dans des abîmes de rêverie... qui sentent le vieillard. – On dit que le présent est trop rapide. Je trouve, moi, que c’est le passé qui nous dévore »... Correspondance (Pléiade), t. II, p. 700.
Mes ordres d'achat
Informations sur la vente
Conditions de vente
Retourner au catalogue